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Foil & Co : « On nous traitait de fadas avant d’être considérés comme des génies. »

Le 04/04/24

Depuis sa fondation en 2016, Foil & Co a toujours placé le principe de production locale au cœur de sa raison d’être. Avec Tanguy Le Bihan, son président fondateur, nous avons retracé l’historique de cette démarche, ses impacts positifs et les éventuels freins à surmonter.

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En Bretagne, un savoir-faire énorme en matière de technologie

 

Pouvez-vous nous présenter Foil & Co ?

Foil & Co a été fondée en 2016. Nous sommes spécialisés dans la fabrication, le prototypage et la commercialisation de pièces en matériaux composites, à 99% en carbone, pour les loisirs nautiques. Nous fabriquons des foils des planches dédiés aux loisirs légers, comme le wingsurf, la planche à voile, le surf, etc. Une petite part de notre activité est également concentrée sur la fabrication de pièces plus volumineuses pour les navires. Aujourd’hui, l’entreprise recense 42 salariés et a enregistré un chiffre d’affaires de 4,1 millions d’euros en 2023.

 

Retracez-nous le cheminement de votre démarche de relocalisation.

La démarche a été lancée avec le lancement de l’entreprise, en 2016. À l’époque, j’étais architecte naval, même si je le suis toujours un peu, et je voulais coupler un bureau d’études, un centre de prototypage et une unité de production afin de développer rapidement des idées basées sur l’hydrofoil. J’avais fait le constat qu’entre 95% et 97% de ces pièces étaient fabriquées en Asie alors que 95% des gens qui naviguent sont plutôt localisés en Europe ou aux États-Unis. L’autre observation, c’était que la Bretagne dispose d’un énorme savoir-faire en matière de technologie liée au nautisme, à la course au large ou à la glisse. Bien souvent, nous avons des idées mais elles partent à l’autre bout de la planète car nous n’arrivons pas à conserver notre savoir ou notre production.

En 2016, nous avons essayé de travailler à contre-courant. Tout le monde nous traitait de fada, car la majorité externalisait en Chine, en Thaïlande ou au Sri-Lanka car ce n’était pas trop cher. Finalement, nous avons été considérés comme des génies lors de la période post-Covid en 2020-2021, car nous avions pris une longueur d’avance par rapport à nos concurrents qui commençaient tout juste à relocaliser.

On nous traitait de fadas avant d’être considérés comme des génies.

Tanguy Le Bihan

Président fondateur de Foil & Co

Que fabrique Foil&Co dans ses locaux de Pencran ?

Tout d’abord, tout n’y est pas fabriqué. Nous avons un carnet de route dans lequel nous aimerions atteindre 80% de notre production réalisée localement à horizon 2026. Toutes les pièces en carbone, comme les hydrofoils, sont fabriquées ici. Nous avons lancé, il y a un peu plus d’un an, une usine de planches à Pencran. Une partie des produits planches sont fabriqués chez Terminatech, en Tunisie. La production d’autres produits est externalisée, comme les wings, les voiles gonflables, qui sont faites en Asie. À l’heure actuelle, il est compliqué de trouver le savoir-faire en Europe. Il n’est pas exclu que nous nous y attelions un jour.

L’année 2023 a été un moment charnière pour nous. Nous sommes passés à 60% de fabrication effectuée ici. La tech est au cœur de ce que nous faisons. Nous pourrions être en concurrence avec des pays où la main-d’œuvre est divisée par 50, mais, si nous ne nous positionnons pas sur la technologie, d’autres méthodes de management ou de production, cela ne fonctionne pas. Il est compliqué de viser une production à 100% réalisée localement, car la réindustrialisation demande énormément de moyens financiers. Nous avons réussi en 8 ans ce que d’autres ont fait en 20. Le sujet de la réindustrialisation est passionnant. Il est passionnant d’être investi à 200% dans un projet comme celui-ci.

Quels ont été les principaux impacts de cette démarche ?

Beaucoup d’impacts sont positifs. D’abord nous maîtrisons notre propre production, cela nous donne des avantages par rapport à nos concurrents. Certains n’ont encore jamais vu la façon dont étaient fabriqués leurs produits. Aujourd’hui, les matériaux en composite requièrent beaucoup de technologie et de placement de fibres. Nous le maîtrisons. L’autre impact important, c’est le time to market. Quand nous concevons, prototypons et produisons nous-mêmes un produit, nous pouvons diviser par deux le temps de mise sur le marché. Quand nous mettons trois mois à mettre en vente un produit, nos concurrents mettent six mois voire un an. Nous sommes sur un marché où les tendances évoluent rapidement. Il faut donc être très réactif et nous pouvons l’être avec cette maîtrise de la production.

Avez-vous rencontré des difficultés pour mettre en place cette démarche ? Comment les avez-vous surmontées ?

La première difficulté à la démarche, c’était en 2016, quand le sujet n’était pas à la mode. Les banquiers nous regardaient un peu bizarrement. Il nous a donc fallu faire comprendre aux gens pourquoi nous prenions ce pli. Les chiffres nous ont donné raison par la suite. La deuxième difficulté majeure qu’on a rencontrée, c’était l’emploi post-Covid. Le Covid a été extrêmement bénéfique pour nos activités de plein air. Mais il s’est avéré complexe car les gens ont eu envie de partir et d’ouvrir une parenthèse dans leur vie professionnelle. C’est en train de revenir de plus en plus à la normale. Aujourd’hui, ce sont les problèmes d’inflation, les coûts, pas seulement sur les produits finaux, mais aussi l’électricité, les loyers, etc. Nous ne pouvons pas répercuter ces coûts sur les produits finaux. Cela nous demande d’être hyper agile et de réfléchir un peu à notre organisation, à l’amélioration de notre production, afin de conserver des marges alors qu’elles sont en permanence impactées par des hausses.

“Un avantage de pouvoir se fournir chez son copain ou son voisin”

Travaillez-vous le principe de relocalisation par les achats, en achetant vos matériaux ou outils près de votre lieu de production ?

Nous essayons de mettre ce procédé en place en sourçant au plus proche. Les coûts de logistique ont augmenté et c’est toujours un avantage d’aller se fournir chez son copain ou son voisin. Il est quand même plus facile de travailler avec des personnes quand on est proche d’elles. Nous nous fournissons en carton en Bretagne. Plutôt que les faire venir de très loin, nous travaillons avec une entreprise basée à Carhaix. Les matériaux composites sont fabriqués en Europe mais pas très loin car nous avons la chance d’avoir des entreprises importantes sur le continent.

Que vous inspire le projet de relocalisation par les achats porté par la Région Bretagne ?

La démarche est bonne. Je suis pour une Bretagne forte et pour des coopérations dans la région. Dès fois, on peut aller chercher des partenaires à des milliers de kilomètres, alors qu’à 10km, on aurait pu trouver.

Vous évoquez le principe d’usine 4.0. Qu’entendez-vous par cette expression ?

C’est mettre du bon sens au service de la production. Aujourd’hui, nous travaillons en lean manufacturing et en lean management. Cette méthode nous permet de placer tous les salariés au cœur du processus et d’avoir l’impact le plus faible possible sur la planète. Même si nous travaillons des matières issues du pétrole avec le carbone, nous tendons vers le zéro déchet. Nous essayons d’employer en local, de former les personnes. C’est la base du développement durable. Nous composons avec un mix de high-tech et de low-tech. C’est-à-dire que nous allons fabriquer nos machines en les concevant de façon simple. Nous utilisons énormément l’open source. Nous utilisons aussi l’IA pour les machines ou le marketing. C’est un mélange de tout cela, l’usine 4.0. Elle permet de souder les gens qui y travaillent. Il est loin le temps de l’usine où les ouvriers faisaient les 2-8. Si nous voulons motiver des jeunes pour nous rejoindre, nous devons faire en sorte qu’ils trouvent à un sens à ce qu’ils font, soit dans la technologie, dans la passion des sports pour lesquels nous produisons, mais aussi à travers un vrai projet d’entreprise viable, qui n’a pas pour ambition de faire des kilotonnes de profits.

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